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Rabin : un espoir pour la paix a été tué

C’était il y a vingt ans. Le 4 novembre 1995 à 21h30 Yitzhak Rabin, Premier ministre israélien, a été assassiné de deux balles par Yigal Amir un militant fanatique d’extrême-droite manipulé par des religieux. Il venait de participer à un rassemblement où il avait chanté un hymne pour la paix.

Son crime ? Avoir été un des artisans des accords d’Oslo qu’il a signé en septembre 1993 et scellés par une poignée de main historique avec Arafat sous le parrainage de Bill Clinton. Il avait compris que ce conflit n’avait pas de solution militaire. Par une reconnaissance mutuel entre Israël et la Palestine et en posant les fondements de la création d’un État palestinien, ces accords jetaient les bases d’une solution négociée au conflit israélo-palestinien. Son assassinat a signé le glas d’un processus de paix qui a largement sombré depuis. En vingt ans, le contexte a radicalement changé. Avec un nombre de colons qui a doublé rendant de plus en plus irréversible l’occupation des territoires, la solution avec deux États a du plomb dans l’aile et elle est devenue quasiment impossible à réaliser.

Le chemin vers la paix est bien difficile mais la négociation doit rester son moyen

Que c’est triste de voir tant d’énergie, de temps, d’intelligence, de créativité, de bonnes volontés, de courage, de vision et de capacité à transcender le passé dans le dessein de bâtir la confiance, tisser les liens, renouer le dialogue, construire des passerelles et imaginer des solutions acceptables, partir en fumée. Il aura suffit d’une balle pour anéantir tant d’efforts pour construire la paix par la négociation. Oui, il est toujours plus facile de sortir le dentifrice du tube que de le refaire rentrer dedans. Oui, il suffit d’un mot pour se fâcher alors qu’il faut souvent des heures pour se réconcilier.

Faut-il pour autant, comme finissent par le penser beaucoup de gens, se résigner à laisser les partisans de la violence et de l’intolérance triompher ? Faut-il, comme le souhaite les va-t-en guerre renoncer, comme ils disent, « aux leurres » de la négociation,  au profit des combats armés ?

Même si par lassitude, je désespère souvent moi aussi, je voudrais encore croire que, dans ce conflit qui mine le Moyen-Orient et le monde depuis plus de 67 ans, le salut ne pourra advenir que grâce au dialogue et à la négociation. C’est et cela restera le mode le plus civilisé de résolution des conflits. Provoquer l’escalade est à la portée de n’importe qui. Alors qu’amorcer une désescalade nécessite du courage et beaucoup de persévérance.

Ouri Savir, négociateur en chef des accords d’Oslo entre 1993 et 1996, affirme que si Rabin avait eu un mandat de plus, “nous serions parvenus à un accord permanent avec les Palestiniens et même peut-être à la paix avec la Syrie“. Je cite aussi Bill Clinton qui participait à la commémoration des vingt ans il y a quelques jours : « Rabin a donné sa vie pour que vous puissiez vivre en paix ». Mais surtout, je voudrais rendre un hommage à Yaron Haim qui, refusant de céder à la colère bien que meurtri dans sa chair, – son père a été abattu d’une balle dans la tête et sa mère grièvement blessée par le tireur palestinien qui a attaqué leur bus – a déclaré : « Ouvrir ainsi le feu sur un couple de personnes âgées, c’est de la haine à l’état pur. Mais on ne peut pas se contenter de la combattre avec toujours plus d’armes et plus de soldats. Pour en venir à bout, la seule solution est d’engager le dialogue. Il faut prendre conscience que les veuves et les orphelins palestiniens, tout comme nous, souffrent de ce conflit.» Que ses paroles soient entendues. Sinon, ne soyons pas surpris de voir émerger après cette troisième intifada « des couteaux », une quatrième puis une cinquième et une sixième. L’humiliation et l’oppression au quotidien ne peuvent qu’engendrer la violence. Je me répète : il est grand temps de cesser d’édifier des murs et construire inlassablement des ponts.

2 commentaires Écrire un commentaire
  1. Podolak #

    Oui, cher Michel, comme tu as raison. Pour nous qui passons nos vies à construire des ponts, il est si triste de voir d’autres bâtir des murs, qu’ils soient physiques mais surtout murs de haine. Et pourtant, beaucoup aspirent à la paix, je veux le croire.
    Merci de cette note
    Amicalement

    novembre 5, 2015
  2. Bonjour Michel, merci pour ce regard toujours aussi inaltérablement constructif. J’ai le sentiment que ces négociations courageuses et malheureusement générationnelles aboutissent toujours à une forme de guerre de “low intensity” intolérable à l’échelle individuelle mais admissible à l’échelle des états reconnus commet tels. Le premier sujet de la négociation ne pourrait-il pas être en fait “Objectif Zéro morts” au lieu d’utiliser ce nombre comme un élément de négociation? Vaut bien sûr pour d’autres conflits. Ma deuxième remarque est sur la fragilité du processus quand on voit l’impact de cet assassinat odieux. Peut-on concevoir un comité décisionnel (avec tout l’enjeu sur la composition de ce comité et la question de la souveraineté) dans chaque partie pour éviter que tout repose sur le sommet de la hiérarchie et sur une seule personne?
    Marc

    novembre 5, 2015

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