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Pour en finir avec le jugement de Salomon

Le tollé dénonçant les conditions d’interpellation de Leonarda, cette collégienne rom de 15 ans contrainte le 9 octobre par les forces de l’ordre à quitter le car scolaire, suivi de la polémique soulevée par son expulsion avec sa famille au Kosovo et enfin la solution proposée par le pouvoir face à ce problème, posent la question de la gestion efficace de ce type de crise.

Avec cette affaire, le Chef de l’État nous a donné le parfait exemple de ce qu’il ne faut pas faire pour gérer une situation difficile. Il a fait la confusion entre les motions de synthèse dont il était le champion quand il était au parti socialiste et le mirage des compromis selon les usages des « souks » qui suscitent le mécontentement de tout le monde.

 Céder ou camper sur sa position

Faire revenir la famille ou maintenir la décision d’expulsion ? Voilà le dilemme auquel était confronté le Pouvoir. Or, la tournure prise par cet événement avec notamment les milliers de lycéens défilant dans les rues, rendait les deux choix insatisfaisants. Que le Gouvernement cède, et les partisans du respect du droit vont être ulcérés par « l’incapacité à faire respecter la loi ». Qu’il maintienne sa position, et le voilà accusé par ses proches d’être « inhumain ». Il a fallu à Hollande beaucoup d’ingéniosité pour sortir du chapeau une troisième solution, consistant à autoriser Leonarda à revenir poursuivre ses études en France mais sans le reste de la famille.

Avec ce compromis entre deux positions inacceptables, certains (plutôt à droite) se sont gaussés de « l’incapacité à trancher  » du Président, et d’autres (plutôt à gauche), se sont indignés d’une violation de la convention internationale des droits de l’enfant par ce qu’ils ont qualifié de négation du « droit à vivre en famille ». Le pire, Hollande a subi en direct une cinglante fin de non recevoir de la part de la jeune Kosovar, qui s’est même permis de parler du Chef de l’État comme de « l’autre », et dont la parole a été placée sur le même pied d’égalité que lui : « Je n’irai pas seule en France, je n’abandonnerai pas ma famille. Je ne suis pas la seule à devoir aller à l’école, il y a aussi mes frères et mes sœurs ».

 Le compromis : une piètre solution ?

Où est l’erreur ?

Erreur N°1 : Le compromis, fruit du marchandage, est un mélange peu créatif entre deux positions extrêmes. À l’instar du jugement de Salomon, les parties cherchent souvent à couper la poire en deux. En ayant en ligne de mire un accord au milieu du chemin, chacun fait un pas vers l’autre en cherchant à le minimiser tout en voulant maximiser celui reçu d’en face. Le résultat trouvé est souvent un compromis dans le mauvais sens du terme. Si parfois le compromis peut faire sens quand, par exemple, les enjeux sont minimes comparativement au temps et à l’énergie consacrés pour le trouver ou bien que la transaction est unique et ne se situe pas dans le cadre d’une relation suivie, bien souvent, celui-ci aboutit à une solution boîteuse et dépourvue de toute créativité. En effet, celle-ci ne concilie pas les véritables intérêts sous-jacents aux positions prises. Dans le cas de Leonarda, et sous prétexte de défendre les valeurs « d’humanité et des droits de l’homme » auxquelles est attachée la France, le Pouvoir a accouché, sous couvert de “grâce présidentielle“, d’un compromis au détriment de l’affirmation d’un intérêt majeur qu’il est supposé défendre : le respect de la loi. Du coup, voilà que son autorité est remise en question et la solution proposée décriée comme une faiblesse.

En cherchant à ménager la chèvre et le chou, le Président a espéré que cet entre-deux pourrait contenter tout le monde. Il a réussi l’exploit de ne satisfaire personne : ni les partisans de la générosité ni ceux de la fermeté.

Erreur N° 2 : Ne pas traiter tous les objets

En ayant diligenté une mission auprès de l’Inspection générale de l’administration, la voie à une sortie honorable pour tous, car s’appuyant sur un critère objectif indépendant du ministère de l’Intérieur, était toute tracée.
Le rapport a conclu à l’absence de faute et à la légalité de la procédure d’éloignement confirmant ainsi la conformité de l’expulsion au droit. Tout juste souligne-t-il qu’il y aurait eu « un manque de discernement dans le déroulement de l’opération » parce que Leonarda se trouvait dans un car pour une sortie scolaire.

Ce faisant, l’IGA a offert sur un plateau un moyen de sortir par le haut pour le Pouvoir dans le strict respect des intérêts de la France et de la personne. Dans cette crise deux objets étaient à prendre en compte : les règles d’expulsion et les circonstances de l’interpellation. Tout en évitant de désavouer son Ministre de l’Intérieur et homme fort du Gouvernement en confirmant qu’il y a eu respect de la loi, le Président pouvait saisir cette opportunité pour préciser les conditions à respecter quand il s’agit de l’espace scolaire. Il l’a fait en promulguant une circulaire « prohibant toute interpellation à l’intérieur ou à proximité des établissements ». Ainsi, il donnait un peu raison à ceux qui, pour des raisons de « valeurs morales », en ont fait le reproche. En traitant les deux objets, il n’avait nul besoin d’aller plus loin en proposant le retour de Leonarda seule.

Erreur N°3 : Mélanger la question de fond et celle de la relation.

Dissocier l’objet du différend de la relation pour les traiter en toute objectivité constitue un principe fondamental en négociation. Or, en cherchant par sa proposition à apaiser les esprits en envoyant un signal à la gauche « morale » et aux lycéens, le Président mélange le problème et la personne. Soit le droit n’a pas été respecté et, à la rigueur, toute la famille revient. Soit il l’a été et rien ne justifie une dérogation pour l’un de ses membres. Lâcher du lest, c’est prendre le risque de remettre en question les principes de droit et de créer un précédent fâcheux pour l’avenir. Céder sur le fond pour préserver la relation constitue un processus inefficace pour gérer une situation aussi difficile soit-elle. En effet, céder encourage toujours à la mauvaise conduite. La relation doit être traitée indépendamment du problème. Il s’agit d’être ferme sur le fond et “soft” dans la relation.

Oser être ferme ne doit pas être confondu avec de la dureté qui consisterait, par exemple, à renvoyer chez eux des personnes menacées si l’asile politique leur était refusé. Or, l’Office français de protection des réfugiés et apatrides a considéré que la famille Dibrani dans son ensemble ne risquait aucune persécution particulière dans son pays d’origine, le Kosovo.

Oser être ferme c’est appliquer l’ensemble des critères (cinq années de séjour, scolarisation des enfants, volonté d’intégration à la société française…) qui permettent l’obtention de la régularisation ce qui, dans le cas précité, ne semblent pas être remplis.

Seules les circonstances de l’interpellation au cours d’une sortie scolaire pouvent être considérées par une gauche « morale et bien pensante » comme choquante du fait que cette arrestation a été effectuée en présence d’autres élèves. Osons dire, et alors ? Y aurait-il une telle proscription dans notre pays de toute manifestation d’autorité même si elle ne s’accompagne d’aucune violence à l’égard de la personne ? Et, s’il s’agit vraiment d’une maladresse, regrettons-la et faisons en sorte qu’elle ne se reproduise plus en délimitant le champ dans lequel elle peut survenir. Mais de là à « sanctuariser » l’école, cela paraît un peu exagéré.

Pour conclure

La sollicitude médiatique démesurée dont a bénéficié cette affaire est incompréhensible pour beaucoup de Français. Mais c’est la vulnérabilité du Pouvoir à une surenchère d’indignation de ses alliés les plus à gauche qui est la plus consternante. Si autant de temps et d’énergie de nos politiques étaient consacrés à imaginer des solutions vraiment créatives pour combattre le chômage et redresser l’économie, la France retrouverait peut être des couleurs.

Autoriser Leonarda à rentrer en France donne de la France une image de faiblesse et encourage les candidats de l’immigration clandestine. Céder sur des intérêts fondamentaux pour éviter les conflits et agir sous le pouvoir de l’émotion dans la rue et des médias ne doivent, en aucun cas, être érigés en politique. Selon un député PS « C’est l’aveu d’une présidence qui ne sera jamais assumée pleinement »

Pour terminer, Salomon n’a en fait jamais envisagé de couper l’enfant en deux pour départager les deux mères présumées. Il savait que la « bonne maman » refuserait de sacrifier son enfant. Il était bon de le rappeler.

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