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Négociation de prise d’otages : le gouvernement doit-il négocier avec Boko Haram ?

Dans la vidéo mise en ligne sur YouTube, Boko Haram exprime des demandes plutôt précises. Le groupe islamiste réclame la libération de ses “frères” et “ses femmes”. Dans une adresse au président nigérian, Goodluck Jonathan, l’un des ravisseurs déclare : “si vous voulez que ces Français soient libérés, alors libérez nos femmes que vous avez capturées”. Il s’adresse ensuite au président du Cameroun, lui enjoignant : “relâchez nos frères détenus dans vos prisons, tous sans exception”.

Il est aujourd’hui démontré que, malheureusement dans le passé, et contrairement aux déclarations absolument justifiées de la France, les tractations pour libérer les otages se sont conclues par le versement de rançons. Les chiffres cités sont astronomiques, entre 50 et 60 millions d’euros. Mais face à la surenchère permanente d’Aqmi et autres organisations et suite à l’intervention au Mali, il semble que la France a fini à l’instar de la Grande Bretagne, et au grand dam des parents d’otages, par choisir la fermeté. Le temps des rançons a peut être vécu

Mes réflexions sur les spécificités des négociations de libération d’otages sont consignées dans l’interview que j’avais accordé à France 24 à l’occasion de la libération des deux journalistes français détenus en Afghanistan Stéphane TAPONIER et Hervé GHESQUIERE.

Voici mes réponses aux 5 questions principales qui m’ont été posées à l’arrivée des 2 journalistes de France 3.

Est-il possible de négocier avec des preneurs d’otage ou organisations terroristes ?

MG – Quand le comportement d’une personne ou d’une organisation est répréhensible, le recours à la force paraît la réponse adaptée. Toutefois, il suffit de réfléchir un peu, pour comprendre qu’il ne s’agit pas d’une question morale ou de légitimité. Il s’agit avant tout, d’une question de vie ou de mort, à un moment où la vie d’une ou plusieurs personnes est menacée. C’est principalement dans l’intérêt de préserver la vie des otages que la négociation n’est pas seulement possible, mais c’est le moyen nécessaire et la stratégie la plus efficace. Ceci dit, si la France a toujours optée pour cette stratégie, d’autres pays comme la Grande-Bretagne, se sont toujours montrés très réfractaires à toute négociation ; ces derniers maintiennent un BLACK-OUT total sur ces situations ce qui, par ailleurs, est parfaitement compris et respectés par les médias.

NB :’’Le centre de planification et de conduite des opérations de l’Etat- Major des armées, était favorable à une intervention, mais la DGSE et le Quai d’Orsay s’y sont opposés.L’opération de force est jugée trop risquée’’ confie un diplomate. Le 8 octobre 2010, les Talibans ont tués l’otage britannique Linda Norgrove  (militante humanitaire) lors d’une tentative de libération par les forces spéciales américaines.’’ (Source Le Monde , 1er juillet 2011)

Comment conduire ces négociations pour parvenir au but : libérer les otages ?

MG – Il s’agit d’un long processus qui présente beaucoup de difficultés à gérer dans la durée. En effet, il est très facile dans ce type de situations de se retrouver dans des blocages et des impasses. La collecte d’informations sur les ravisseurs et la connaissance de qui ils sont précisément et leurs motivations, sont primordiaux pour l’atteinte de l’objectif. Pour se faire, certaines conditions doivent être respectées :

  • la discrétion et le secret absolu en évitant toute information qui peut filtrer vers les médias sur le déroulement des tractations. En effet, il est nécessaire à moment où à un autre de trouver des contres-parties mêmes minimes : le secret rend, ces concessions inévitables, possibles.
  • Chercher par tous les moyens à maintenir ouverts les canaux de la communication . Pour se faire, le recours à des intermédiaires ou à des facilitateurs, est indispensable. Ce sont bien souvent des personnes qui connaissent le terrain et ont un accès direct aux ravisseurs. C’est dans le but de ne pas mettre en danger certains de ces informateurs que la discrétion absolue s’impose.

NB : On sait aujourd’hui que c’est Qari Baryal, pachtoune et chef militaire des Talibans de la province de Kapisa qui a joué un rôle clé et qui a, par deux reprises, bloqué la libération.Le chef des preneurs d’otages, Ghafar Shafaq, commandant taliban du district d’Alasaï, lui est subordonné. Et l’interlocuteur des français a été Abdul Qayyum Zakeer, un des 2 ’’numéros 2’’ aux côtés du Mollah Omar, qui a aidé au dénouement, en donnant formellement des instructions pour la libération des 2 otages. (Source Le Monde , 1er juillet 2011)

  • Comprendre rapidement les motivations et les revendications des ravisseurs : sont-elles politiques ? Financières ? Avoir de la publicité en faisant connaître leur voix ? ou même interne à leurs clans pour montrer leur force  sachant que de fortes rivalités existent entre les différents groupes de Talibans ?
  • Veillez à ne pas se montrer faible et à ne pas créer de précédents car ceci peut encourager à d’autres prises d’otages dans d’autres régions.

Y a-t-il un lien entre l’annonce du retrait d’une partie des troupes françaises en Afghanistan et la libération des otages ?

Très gênés par la présence française dans cette région particulière qui se situe entre leur localisation et KABOUL, deux conditions ont été fixées dès l’origine par les preneurs d’otages, l’une politique et l’autre financière:

  • La libération de prisonniers talibans (initialement fixée à 200 puis descendue à 25 puis à 2 avec négociation interne entre talibans pour déterminer la liste)
  • le paiement d’une rançon

Ces conditions ont été satisfaites et le Président Hamid KARZAÏ, réticent au départ, a fini par se résigner à apporter son aide en libérant 2 prisonniers de rang provincial. Le Président KARZAÏ était conscient que, si de fortes sommes d’argent étaient payées, ceci permettrait aux Talibans d’acheter des armes qui, en dernier ressort, seraient utilisées contre son gouvernement.
Donc, à mon avis, il n’y a pas de lien entre la libération des otages et le retrait des français.
Pour autant, il s’agit d’un intérêt partagé entre la France et le clan des Talibans qui détenaient les 2 journalistes, que de laisser penser, tout en le rejetant formellement, que ce lien était possible. En effet, pour la France, ceci accréditerait l’idée qu’aucune rançon n’a été versée et cela donnerait à ce groupe de Taliban une victoire politique qu’il pourrait monnayer en interne.

Est –ce que la France a payé une rançon ?

MG – Même si M. Alain Juppé a déclaré que « la France ne verse pas de rançon ! », il est malheureusement très probable et que ceci a été inévitable et a bel et bien été effectué. Mais le gouvernement français ne l’admettra jamais pour
– pour ne pas compliquer les tractions pour la libération des 9 autres otages encore détenus au Yémen, Niger et Somalie,
– ne pas encourager à la surenchère de demandes en montrant la valeur accordée à la vie des otages français.

Pensez-vous qu’il y ait un bénéfice politique pour le Président Sarkozy ?

MG – Nous ne sommes pas aux Etats-Unis pour pouvoir affirmer que les citoyens français vont se sentir redevables de quelque manière que se soit au Président Sarkozy dans cette libération. La poussée médiatique va retomber rapidement et l’impact sur les élections présidentielles de 2012, est, je pense, inexistante.

Michel Ghazal 
Président

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