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Pour briser l’impasse : utiliser l’effet de surprise

La rencontre annoncée entre Donald Trump et Kim Jong-un au printemps 2018, à n’en point douter, a pris tout le monde de court et provoqué un vrai effet de surprise sur la scène diplomatique internationale. Quand on se rappelle, qu’il n’y a pas si longtemps encore, le Président Américain rétorquait à son homologue Nord Coréen qui l’aurait qualifié de « vieux fou ayant des remarques irréfléchies » par ce « Little Rocket Man » ou ce « petit et gros » et menaçait son pays d’anéantissement, il y a de quoi être très surpris. Même si le pari est risqué et qu’il est encore tôt de prédire les effets de cette main tendue sur les objectifs recherchés de dénucléarisation de la péninsule, de renouement du dialogue Nord-Sud et donc sur la paix, il est indéniable qu’un processus de désescalade a été amorcé.

Dans nos formations à la négociation nous citons souvent l’exemple remarquable du Président Egyptien Anouar Al-Sadate, dont l’annonce devant le parlement du Caire en novembre 1977 qu’il était prêt, pour démontrer sa volonté de dialogue, à se rendre au Knesset Israélien (l’ennemi) pour prononcer un discours en faveur de la paix. Cette annonce avait complètement dérouté les Israéliens et provoqué une vraie onde de choc psychologique. Menahem Begin, Premier Ministre d’alors, a su saisir la main tendue et déclarait : « Venez, je vous attends ». Et le 20 novembre 1977, Sadate devient le premier dirigeant arabe à poser le pied sur le sol Israélien depuis 1948. Sans ce voyage spectaculaire, il est difficile d’imaginer la signature d’un traité de paix entre l’Egypte et Israël en 1978 à Camp David sous l’égide du Président Carter.

En prenant le contre-pied de ce que l’autre attend, cela crée une situation de « dissonance cognitive » perturbatrice par rapport aux préjugés. En ce sens, elle est déstabilisatrice, mais de manière positive, car elle amène l’autre à modifier son opinion figée sur une personne ou une situation. Voici que « l’ennemi » se comporte en partenaire et il est alors difficile de rester enfermé dans son a priori.

Nous trouvons ici un point de convergence entre l’art de la diplomatie et celui de la négociation. Dans les deux cas, agir contre toute attente provoque des effets positifs et une vraie catharsis favorable au déblocage de situations réputées difficiles et inextricables.

Surprendre l’autre en négociation

Voici 3 moments en négociations difficiles où, l’utilisation  l’effet de surprise, s’avère pertinente.

Face à l’agressivité 

Quand l’autre vous attaque personnellement, vous agresse ou vous insulte la tentation naturelle est de lui rendre la monnaie de sa pièce en répondant du tac au tac. Le seul effet garanti dans ces conditions est une belle escalade dans le conflit éloignant toute perspective d’un accord. En effet, quand bien même c’est l’autre qui a initié le mouvement, votre réaction alimente le cycle infernal de l’action/réaction.

Surprendre l’autre consiste ici à réussir à contrôler son émotion, à ne pas réagir au quart de tour et à garder son équilibre. William Ury utilise une métaphore pour illustrer cette attitude : monter au balcon. Il s’agit de choisir unilatéralement de briser ce cycle en prenant du recul et de la distance par rapport à la situation. En laissant l’autre se défouler, sans répondre à l’attaque, produit souvent une baisse de la tension. En effet, telle une grosse vague qui ne rencontre pas d’obstacle finit par s’échouer sur le rivage avec une légère écume, il est difficile de persister dans l’agressivité face à quelqu’un qui ne réagit pas.

Face aux émotions violentes

Face aux émotions négatives de votre interlocuteur, la tentation est grande de chercher à le raisonner. Ceci est peine perdue car ses émotions l’aveuglent et constituent un véritable obstacle l’empêchant d’être réceptif pour vous écouter.

Que faire ? Il faut d’abord le désarmer. Pour cela, là aussi l’effet de surprise est l’arme absolue. Plutôt que d’agir en miroir en vous montrant sourd à ses propositions comme il l’est aux vôtres, surprenez-le en passant dans son camp.

Il s’agit de reformuler ce que vous percevez de ses émotions et de son vécu : « Cette situation provoque chez vous une grosse colère car vous avez le sentiment de vous faire avoir, est-ce bien cela ? ».

Passer dans le camp de l’autre en lui montrant que nous sommes capable de voir les choses tel qu’il les voit, est le plus sûr moyen de briser sa résistance, de l’aider à trouver son équilibre et d’inverser ainsi la dynamique.

Attention : s’il est souhaitable d’être d’accord avec son interlocuteur chaque fois que c’est possible, passer dans son camp, qui consiste à écouter ce qu’il a à dire et reconnaître la valeur de son point de vue, ne veut pas dire être totalement d’accord avec lui.

Face à l’intransigeance

Quand votre interlocuteur se montre inflexible, vous menace et adopte des positions déraisonnables, votre tentation est grande de les rejeter d’emblée et de vous braquer en retour sur vos positions et exigences. Et vous voici entrainé dans une guerre de positions que vous souhaitiez éviter.

Là aussi pour modifier le jeu que l’autre vous impose, il faut le surprendre en faisant le contraire de ce que vous êtes tenté de faire. Au lieu de rejeter la position de l’autre ou ce qu’il dit, il faut les accepter et les recadrer. Comment ? En les traitant comme étant la contribution de votre interlocuteur à la discussion : « Aidez moi à comprendre, pourquoi cherchez-vous ce résultat ? ». Dès qu’il répond à votre question, le voici sorti de sa position pour s’attacher aux intérêts cachés derrière. Par voie de conséquence le jeu de la négociation se trouve modifié d’un affrontement à une recherche constructive et commune d’une solution.

En conclusion

Comme nous venons de le voir, que ce soit en diplomatie ou en négociation, surprendre l’autre en agissant contrairement à ses attentes, est le plus sûr moyen pour briser les impasses et amorcer une désescalade dans une situation conflictuelle.

Et vous, face à un conflit actuel, que pouvez-vous faire pour surprendre votre interlocuteur et l’ouvrir au dialogue ?

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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